Middle of Nowhere Productions

Middle of Nowhere Productions

A propos de Sylvie Antoine, novembre 2000.

A Visitor in Marl –

Who influences Flowers –

Till they are orderly as Busts –

And Elegant – as Glass.

 

Emily Dickinson, Poem, 391.

 

 

 

 

 

Il existe une liste, intitulée Le langage des fleurs, à l'usage des symbolistes amateurs, et qui décline l'identité des fleurs et les sentiments qu'elles sont sensées représenter. L'entreprise de Sylvie Antoine me fait davantage penser aux errements d'Ophélie, cependant, sans doute parce qu'elle s'ouvre sur des pensées, There is pansies; that's for thoughts, mais surtout parce que, comme Ophélie, les objets qu'elle offre à voir, et qui ont noms de fleurs, n'en sont pas. Ce qu'offre Ophélie, dans sa folie, n'est au mieux qu'une mise en abyme, une représentation de fleurs qui elles mêmes représentent autre chose.

            Représenter des fleurs est assurément un problème pour le peintre, et c'est vraisemblablement pour cette raison qu'on pourra s'amuser à suivre l'exposition comme l'itinéraire d'un texte métaphorique, depuis la pensée, qui préside à l'œuvre, jusqu'au désespoir du peintre, le bien nommé, en passant pas quelques soucis et impatiences. On comprendra en route que cette entreprise relève davantage de la récupération du végétal que de la représentation, à condition de se plier à certaines règles de comportement.

            A l'extrême limite, lorsqu'on lit les cartels, on s'aperçoit que c'est la fleur qui représente le tableau, et non pas le tableau qui représente la fleur. Lorsqu'il y a mimésis, c'est beaucoup plus de mimétisme qu'il s'agit, le tableau se camouflant soi- même derrière ce qu'il est sensé représenter, comme dans la série Abutilon. De la même manière, le processus qui mène à la production de Pensée, de Rose, ou de Désespoir du peintre se rapproche de l'industrie de la parfumerie, un assassinat subtil de la fleur afin d'en extraire son essence, une distillation des plus scientifiques dont le résultat, une sorte de spectrogramme, me fait songer immanquablement à une odeur que je pourrais voir. Ainsi mes sens, mimant l'inversion du système de la représentation, se trouvent-ils renversés.

            A moins qu'il ne s'agisse d'une métamorphose kafkaïenne des plus agréables, mon œil acquérant la froideur synthétique de l'œil à facettes d'une abeille et isolant de la fleur un message subliminal inscrit dans mon code génétique, ma taille se réduisant à celle d'une fourmi pour apprécier pleinement la verdure de ces Natures mortes grignotées à coups de mandibule.

            Natures mortes, certes, mais en bonne fourmi, j'en fais ma pelote.



16/10/2018
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