Middle of Nowhere Productions

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A propos de Cécile Dupaquier, mai 2001.

A propos de Cécile Dupaquier, mai 2001.

 

 

 

Prêtez l'oreille! A la question empressée du désespoir: "Où est mon enfant?" –un écho répond: "Où?"

Lord BYRON, La fiancée d'Abydos, II, xxvii.

 

 

Tous les cartons d'invitation ne sont pas aussi parfaitement éloquents que celui de Cécile Dupaquier pour sa Tentative d'intégration. Artiste en résidence, elle ne peut oublier les sens pervers de cet étiquetage et sait exactement qu'avoir la chance d'être en résidence peut se doubler du malheur de se sentir assignée à résidence. L'air courroucé qu'elle affiche sur la photo du carton exprime clairement l'embarras qu'elle éprouve à devoir ainsi gérer les déplacements de son corps pour des raisons de création plastique, et on frémira de la voir transporter son propre cadavre sur la galerie de sa Clio malgré la présence rassurante du plateau de Clansayes en arrière-plan.

La question de la place de l'artiste dans l'œuvre en tant que corps vivant, et par conséquent voué à disparaître, a connu de nombreuses interprétations, de l'intervention minimale du ready-made aux performances les plus ébouriffantes, voire aux productions bassement corporelles de l'arte povvera en passant par toutes les formes d'autoportrait, explicites comme chez Rembrandt ou dissimulées comme pour le Caravage. On pourra résumer la problématique de façon extrêmement simple par la formule suivante: l'artiste ne sait pas où se mettre, ou bien il le sait trop. C'est pour cette raison essentielle que Cécile Dupaquier propose à notre regard un attirail destiné à repositionner l'artiste de telle façon qu'il soit placé dans les meilleures conditions de création possibles, avec le moins de souffrance et d'inconfort.

Performances en négatif, son volume de restructuration mentale portable et son étude de la table de travail ritualisent la gestuelle de la création et apportent une réponse définitive à ceux qui se poseraient la question de savoir quelle est la place de l'artiste dans le monde ou dans la société. Dans une belle démonstration d'ergonomique lacanienne, éventuellement même platonicienne, on pourra voir effectivement comment l'artiste se positionne, et non pas ce qu'il veut dire.

Cependant, si la question subsiste, si le spectateur s'imagine encore qu'il faille s'interroger sur le dire plutôt que sur le montrer, si cet autre que nous sommes enfin devait encore errer, il suffit de se reporter à la pièce intitulée isoloir phonique pour voir que l'artiste pratique avec bonheur la politique de l'Autruiche et sait se garder de tout discours parasite.

Enfin, dans une circulation magistrale organisée autour des œuvres qu'elle a puisées dans les collections du FRAC Rhône-Alpes, on pourra découvrir les multiples propositions de réponse apportées à la même question, qui prouvent toutes que si on s'interroge sur cette place de l'artiste parmi nous sans trouver de solution définitive, c'est alors que la question est bonne et qu'il convient de la réitérer à l'infini, ne serait-ce que pour avoir le plaisir d'en parler.



16/10/2018
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